26 juil. 2016

Atelier d'écriture des Pikès à la médiathèque

Chapitre 1 : « Je m'étonne, je ne me pensais pas capable ».


Nous sommes le jeudi 28 avril, peu avant 14 h, un paquet de feuilles blanches, quelques paires de ciseaux et une curieuse boîte en fer bleue ont été disposées sur la table. Le matériel est prêt, il ne manque plus que les participantes de l'atelier d'écriture qui arriveront dans quelques minutes...
Elles sont adhérentes de Ti-an-Oll Kernégues et participent à la première séance de l'atelier d'écriture animé par Erwan Bargain. Trois séances sont planifiées ; les textes créés seront restitués lors d'un spectacle programmé en septembre.
L'ambiance est studieuse, chacune s'est dotée de carnet et stylo, elles attendent. Quel exercice va-t-on leur proposer ?
Pour le savoir, chacune pioche un mot dans la boîte bleue, au centre de la table. « Avec le mot inscrit sur le papier vous devrez réaliser un acrostiche » annonce Erwann « C'est une forme poétique où les initiales des vers que vous composerez formeront le mot, lisible à la verticale ». En une heure, les 7 participantes rédigeront plusieurs textes chacune.
La concentration se lit sur les visages, le silence est religieux. Parfois le bruit des stylos sur les feuilles se fait entendre, entrecoupé par celui des pages que l'on tourne.
Le doute s’installe chez certaines : « Je ne suis pas sûre que cela soit bien », « Tu crois que ce mot existe ? », « Je cherche vraiment à ce que mon texte soit logique » me chuchote l'une.
Plus loin, une autre soupire : « Pas facile avec le h ». Si elle envisage de changer de mot l'animateur lui prodigue quelques conseils bienveillants. Il jette un œil sur les textes, ponctuant ses lectures de compliments.
Chacune aborde l'exercice à sa manière, se rajoutant parfois des contraintes supplémentaires. Ainsi certaines choisissent de faire des acrostiches des chapitres d'une histoire ou encore de travailler les rimes : « car c'est une forme poétique et, pour moi la poésie il faut que ça rime ! » m'explique l'une d'elles.
L'aspect ludique de l'exercice finit par l'emporter sur l'appréhension. Aucun syndrome de la page blanche n'est à déplorer ; les travaux se révèlent variés et originaux, une heure s'est écoulée depuis le début de l'atelier. Chaque participante dévoile au groupe le texte de son choix.«  J'adore la cuisine, et j'ai pioché le mot « cerise » s'enthousiasme l'une d'elles avant de lire son acrostiche.

La crainte passée, il est temps d'entamer un second exercice. Le but est de rédiger une courte lettre de vacances en découpant les mots dans une dizaine de magazines et journaux à disposition sur la table. On appelle cela du cut-up.
Cette technique littéraire requiert de l'imagination, quelques bâtons de colle, de la patience et une bonne dose de minutie ; « Elle a été très utilisée par les romanciers américains et les surréalistes » précise Erwan.
L'animatrice de Ti an Oll a rejoint le groupe et réalise : « Ce n'est pas si facile, je découpe les phrases qui me plaisent et je construirai ensuite. » Sa lettre parlera de New-York, comme celle de sa voisine assise quelques chaises plus loin. Si pour certaines les vacances sont synonyme de dépaysement, d'autres restent en terre bretonne. « Je ne trouve pas le mot que je veux mettre » s'agace quelqu'un. Aussitôt, l'esprit de solidarité du groupe se révèle : « Tiens ! j'ai le mot qu'il te faut » lance une camarade après quelques minutes de recherches. Pendant que quelques-unes tentent de terminer leur travail, la seconde partie du groupe chahute ! La bonne humeur est au rendez-vous en cette fin d'atelier.



Chapitre 2 : Se raconter à travers l'écriture


Nous y voilà ! Après trois semaines de pause, les Pikès reviennent à la médiathèque pour le deuxième atelier d'écriture.
Avant de commencer les exercices, il y a débat sur le déroulement du spectacle au cours duquel les textes vont être restitués. Lire les textes ? En faire des slams ? les faire lire ?À chacune ses envies. Mais la mise en scène viendra une fois tous les textes rédigés.
Pour entamer cette séance, chaque personne présente réalisera son portrait chinois.Il s'agit d'un jeu classique qui permet à chacun de dresser son portrait en s’identifiant à des animaux, des objets, des sentiments ... Le choix des associations n'est pas neutre, il révèle des indices sur la personnalité de chacun.
En guise de consigne, Erwan Bargain  ajoute: « Essayez au maximum de justifier vos réponses ». Plongées dans leurs pensées les Pikès remplissent les deux pages du questionnaire.
Sous un aspect anodin, la rédaction de ce portrait est une véritable mise à nue, il est l'occasion de se dévoiler aux autres -et parfois à soi même-. Ainsi, l'écriture devient exercice plus personnel qu'il n'y paraît : c'est un outil pour se raconter, se dévoiler.
Dans ces portraits se glissent parfois des pointes d'humour, des fragments de souvenirs et quelques espérances pour l'avenir. À la lecture des portraits quelques-unes se laissent envahir par l'émotion, preuve qu'elles ont réalisé l'exercice avec spontanéité et sincérité.

Il est temps de se plonger dans l'exercice de « l'inventaire ». Erwan distribue un texte de Sei Shônagon, une poétesse japonaise du Moyen-Âge. Cette dernière a rédigé un ouvrage uniquement composé de listes. On y découvre ce qu'elle aime ou ce qu'elle déteste. En suivant ce modèle, les huit écrivaines en herbe vont devoir lister :
- les choses qui [les] mette[nt] en colère
- les choses qui [les] font rire
- les choses qu'[elles] aime[nt]
- les choses qui [leur] font peur
- les choses qui doivent être courtes
- les choses qui devraient durer plus longtemps
- les choses qui ne font que passer.

« Oh là là ! il y aurait tellement à dire sur les choses qui me mettent en colère, ça serait trop long » intervient l'animatrice. L'inventaire se poursuit pendant une vingtaine de minutes avant la lecture. Comme à la séance précédente Erwan Bargain observe les textes : « Il y a vraiment de bonnes choses, de bonnes idées. » conclut-il.
Grâce à ces inventaires, on découvre que le groupe partage les mêmes souhaits, les mêmes craintes, les mêmes aspirations.

Cet atelier met en évidence que ces femmes sont de véritables épicuriennes ; elles profitent de chaque instant de la vie, tout en gardant un œil critique -parfois inquiet- sur le monde qui les entoure.

À suivre...


Chapitre 3 : Toute bonne chose a une fin


La pénurie d'essence n'aura pas eu raison de la motivation des Pikès. Elles se sont réunies à la médiathèque pour la troisième -et dernière- séance d'écriture animée par Erwan Bargain.

Bien à l'abri de l'orage, les tasses de thé fumantes, il est temps de s'évader en réalisant des haïkus . « Ce sont de courts poèmes japonais composés de 17 syllabes réparties sur trois lignes. Le premier et le dernier vers sont composés de 5 syllabes chacun, alors que le vers du milieu en comporte 7. » développe Erwan. Ce dernier autorise quelques libertés concernant le thème et le nombre de pieds. En effet, compte tenu des différences entre le français et le japonais les haïkus pourront totaliser 21 syllabes au total -au grand soulagement des Pikès-.
Cependant, la réjouissance est de courte durée et chacune devra placer un mot imposé dans son poème. Chacune pioche dans la fameuse boîte bleue et entame l'exercice : « J'aime bien, c'est un mot d'actualité » s'amuse l'une d'elles. Si cette dernière s'amuse, en face les visages sont fermés ; il semblerait que le mot « vipère » ne suscite pas l'inspiration, à moins qu'il n'y ait débat sur le nombre de syllabes de ce mot.
L'exercice du haïku promet d'être périlleux ! Et ce n'est pas le directeur de la médiathèque, qui nous dira le contraire : « Il est très bien mon texte sauf que j'ai oublié d'inclure le mot imposé qui était.... « oublier » » dit-il, provoquant ainsi l'hilarité générale. Le reste de l'exercice ainsi que la lecture des textes se poursuit dans la bonne humeur.

En guise de final il faudra rédiger une série de souvenirs. Chaque nouveau souvenir sera introduit par la phrase « Je me souviens ». Celle-ci rythmera le texte lors de la lecture. Chacune des participantes se replonge dans ses vies passées. Sur le papier elles égrènent alors les différentes périodes d'une existence : les souvenirs d'école, du travail, ou de famille. Elles mêlent les images de joie aux images de tristesse, elles énumèrent les petits bonheurs quotidiens et les grandes découvertes.
Erwan propose d'en faire une lecture à plusieurs voix : à tour de rôle chaque participante lit un souvenir, ce qui crée une véritable dynamique pour le texte. En effet, l'écoute de la lecture révèle que les souvenirs s’appellent et se répondent ; mis bout à bout ils construisent un parcours de vie, à la fois commun et personnel, et témoignent d'existences riches.

Pour préparer la restitution des textes, au mois de septembre, Erwan distribue à chaque membre du groupe un texte différent. Il s'agit d'exercices de prononciation. Tour à tour elles le déclameront sous le regard amusé du groupe.

Ainsi s’achève l'atelier d’écriture, après trois séances pleines de surprises et d'émotions.

Le bilan est plus que positif pour les Pikès ; elles ont créé un nouveau rapport à l'écriture qui n'est plus forcément liée à la scolarité : « Pour centaines personnes cela peut être paralysant ; face à l'écriture elles se sentent immédiatement jugées et en échec » souligne l'une d'elles. Le rôle d'Erwan était de les guider, de leur montrer que l'écriture peut être ludique et plaisante : « Je ne suis qu'un déclencheur j'espère que vous avez repris du plaisir à écrire et que vous continuerez. »
« Je referai sûrement quelques exercice avec mes petits-enfants » assure une autre.
Et une autre de renchérir: « j'appréhendais un peu, finalement ça m'a plu, je pense que je continuerai avec plaisir à écrire ».

S'il vous tarde de connaître le résultat de cet atelier d'écriture, rendez-vous à la rentrée pour la restitution des textes.