Chapitre 1 : « Je m'étonne, je ne me pensais pas capable ».
Nous sommes le jeudi 28
avril, peu avant 14 h, un paquet de feuilles blanches, quelques
paires de ciseaux et une curieuse boîte en fer bleue ont été
disposées sur la table. Le matériel est prêt, il ne manque plus
que les participantes de l'atelier d'écriture qui arriveront dans
quelques minutes...
Elles sont adhérentes de
Ti-an-Oll Kernégues et participent à la première séance de
l'atelier d'écriture animé par Erwan Bargain. Trois séances sont
planifiées ; les textes créés seront restitués lors d'un
spectacle programmé en septembre.
L'ambiance est studieuse,
chacune s'est dotée de carnet et stylo, elles attendent. Quel
exercice va-t-on leur proposer ?
Pour le savoir, chacune
pioche un mot dans la boîte bleue, au centre de la table. « Avec
le mot inscrit sur le papier vous devrez réaliser un acrostiche »
annonce Erwann « C'est une forme poétique où les initiales
des vers que vous composerez formeront le mot, lisible à la
verticale ». En une heure, les 7 participantes rédigeront plusieurs
textes chacune.
La concentration se lit
sur les visages, le silence est religieux. Parfois le bruit des
stylos sur les feuilles se fait entendre, entrecoupé par celui des
pages que l'on tourne.
Le doute s’installe chez
certaines : « Je ne suis pas sûre que cela soit bien »,
« Tu crois que ce mot existe ? », « Je cherche
vraiment à ce que mon texte soit logique » me chuchote l'une.
Plus loin, une autre
soupire : « Pas facile avec le h ». Si elle envisage
de changer de mot l'animateur lui prodigue quelques conseils
bienveillants. Il jette un œil sur les textes, ponctuant ses
lectures de compliments.
Chacune aborde l'exercice
à sa manière, se rajoutant parfois des contraintes supplémentaires.
Ainsi certaines choisissent de
faire des acrostiches des chapitres d'une histoire ou encore de
travailler les rimes : « car c'est une forme poétique et, pour
moi la poésie il faut que ça rime ! » m'explique l'une
d'elles.
L'aspect
ludique de l'exercice finit par l'emporter sur l'appréhension. Aucun
syndrome de la page blanche n'est à déplorer ; les travaux se
révèlent variés et originaux, une heure s'est écoulée
depuis le début de l'atelier. Chaque participante dévoile au groupe
le texte de son choix.« J'adore la cuisine, et j'ai pioché le
mot « cerise » s'enthousiasme
l'une d'elles avant de lire son acrostiche.
La
crainte passée, il est temps d'entamer un second exercice. Le but
est de rédiger une courte lettre de vacances en découpant les mots
dans une dizaine de magazines et journaux à disposition sur la
table. On appelle cela du cut-up.
Cette
technique littéraire requiert de l'imagination, quelques bâtons de
colle, de la patience et une bonne dose de minutie ; « Elle
a été très utilisée par les romanciers américains et les
surréalistes » précise Erwan.
L'animatrice
de Ti an Oll a rejoint le groupe et réalise : « Ce n'est pas
si facile, je découpe les phrases qui me plaisent et je construirai
ensuite. » Sa lettre parlera de New-York, comme celle de sa
voisine assise quelques chaises plus loin. Si pour certaines les
vacances sont synonyme de dépaysement, d'autres restent en terre
bretonne. « Je ne trouve pas le mot que je veux mettre »
s'agace quelqu'un. Aussitôt, l'esprit de solidarité du groupe se
révèle : « Tiens ! j'ai le mot qu'il te faut »
lance une camarade après quelques minutes de recherches. Pendant que
quelques-unes tentent de terminer leur travail, la seconde partie du
groupe chahute ! La bonne humeur est au rendez-vous en cette fin
d'atelier.
Chapitre
2 : Se raconter à travers l'écriture
Chapitre
2 : Se raconter à travers l'écriture
Nous y voilà ! Après
trois semaines de pause, les Pikès reviennent à la
médiathèque pour le deuxième atelier d'écriture.
Avant de commencer les
exercices, il y a débat sur le déroulement du spectacle au cours
duquel les textes vont être restitués. Lire les textes ? En
faire des slams ? les faire lire ?À chacune ses envies.
Mais la mise en scène viendra une fois tous les textes rédigés.
Pour entamer cette séance,
chaque personne présente réalisera son portrait chinois.Il s'agit
d'un jeu classique qui permet à chacun de dresser son portrait
en s’identifiant à des animaux, des objets, des
sentiments ... Le choix des associations n'est pas neutre, il révèle
des indices sur la personnalité de chacun.
En guise de consigne,
Erwan Bargain ajoute: « Essayez au maximum de justifier
vos réponses ». Plongées dans leurs pensées les Pikès
remplissent les deux pages du questionnaire.
Sous un aspect anodin, la
rédaction de ce portrait est une véritable mise à nue, il est
l'occasion de se dévoiler aux autres -et parfois à soi même-.
Ainsi, l'écriture devient exercice plus personnel qu'il n'y paraît :
c'est un outil pour se raconter, se dévoiler.
Dans ces portraits se
glissent parfois des pointes d'humour, des fragments de souvenirs et
quelques espérances pour l'avenir. À la lecture des portraits
quelques-unes se laissent envahir par l'émotion, preuve qu'elles ont
réalisé l'exercice avec spontanéité et sincérité.
Il est temps de se plonger
dans l'exercice de « l'inventaire ». Erwan distribue un
texte de Sei Shônagon, une poétesse japonaise du Moyen-Âge.
Cette dernière a rédigé un ouvrage uniquement composé de listes.
On y découvre ce qu'elle aime ou ce qu'elle déteste. En suivant ce
modèle, les huit écrivaines en herbe vont devoir lister :
- les choses qui [les]
mette[nt] en colère
- les choses qui [les]
font rire
- les choses qu'[elles]
aime[nt]
- les choses qui [leur]
font peur
- les choses qui doivent
être courtes
- les choses qui devraient
durer plus longtemps
- les choses qui ne font
que passer.
« Oh là là !
il y aurait tellement à dire sur les choses qui me mettent en
colère, ça serait trop long » intervient l'animatrice.
L'inventaire se poursuit pendant une vingtaine de minutes avant la
lecture. Comme à la séance précédente Erwan Bargain observe les
textes : « Il y a vraiment de bonnes choses, de bonnes
idées. » conclut-il.
Grâce à ces inventaires,
on découvre que le groupe partage les mêmes souhaits, les mêmes
craintes, les mêmes aspirations.
Cet atelier met en
évidence que ces femmes sont de véritables épicuriennes ; elles
profitent de chaque instant de la vie, tout en gardant un œil
critique -parfois inquiet- sur le monde qui les entoure.
À
suivre...
Chapitre
3 : Toute bonne chose a une fin
Chapitre
3 : Toute bonne chose a une fin
La pénurie d'essence
n'aura pas eu raison de la motivation des Pikès. Elles se
sont réunies à la médiathèque pour la troisième -et dernière-
séance d'écriture animée par Erwan Bargain.
Bien à l'abri de l'orage,
les tasses de thé fumantes, il est temps de s'évader en réalisant
des haïkus . « Ce sont de courts poèmes japonais
composés de 17 syllabes réparties sur trois lignes. Le premier et
le dernier vers sont composés de 5 syllabes chacun, alors que le
vers du milieu en comporte 7. » développe Erwan. Ce dernier
autorise quelques libertés concernant le thème et le nombre de
pieds. En effet, compte tenu des différences entre le français et
le japonais les haïkus
pourront totaliser 21 syllabes au total -au grand soulagement des
Pikès-.
Cependant, la réjouissance
est de courte durée et chacune devra placer un mot imposé dans son
poème. Chacune pioche dans la fameuse boîte bleue et entame
l'exercice : « J'aime bien, c'est un mot d'actualité »
s'amuse l'une d'elles. Si cette dernière s'amuse, en face les
visages sont fermés ; il semblerait que le mot « vipère »
ne suscite pas l'inspiration, à moins qu'il n'y ait débat sur le
nombre de syllabes de ce mot.
L'exercice du haïku
promet d'être périlleux ! Et ce n'est pas le directeur de la
médiathèque, qui nous dira le contraire : « Il est très bien
mon texte sauf que j'ai oublié d'inclure le mot imposé qui
était.... « oublier » » dit-il, provoquant ainsi
l'hilarité générale. Le reste de l'exercice ainsi que la lecture
des textes se poursuit dans la bonne humeur.
En guise de final il
faudra rédiger une série de souvenirs. Chaque nouveau souvenir sera
introduit par la phrase « Je me souviens ». Celle-ci
rythmera le texte lors de la lecture. Chacune des participantes se
replonge dans ses vies passées. Sur le papier elles égrènent alors
les différentes périodes d'une existence : les souvenirs
d'école, du travail, ou de famille. Elles mêlent les images de joie
aux images de tristesse, elles énumèrent les petits bonheurs
quotidiens et les grandes découvertes.
Erwan propose d'en faire
une lecture à plusieurs voix : à tour de rôle chaque
participante lit un souvenir, ce qui crée une véritable dynamique
pour le texte. En effet, l'écoute de la lecture révèle que les
souvenirs s’appellent et se répondent ; mis bout à bout ils
construisent un parcours de vie, à la fois commun et personnel, et
témoignent d'existences riches.
Pour préparer la
restitution des textes, au mois de septembre, Erwan distribue à
chaque membre du groupe un texte différent. Il s'agit d'exercices de
prononciation. Tour à tour elles le déclameront sous le regard
amusé du groupe.
Ainsi s’achève
l'atelier d’écriture, après trois séances pleines de surprises
et d'émotions.
Le bilan est plus que
positif pour les Pikès ; elles ont créé un nouveau
rapport à l'écriture qui n'est plus forcément liée à la
scolarité : « Pour centaines personnes cela peut être paralysant ;
face à l'écriture elles se sentent immédiatement jugées et en
échec » souligne l'une d'elles. Le rôle d'Erwan était de les
guider, de leur montrer que l'écriture peut être ludique et
plaisante : « Je ne suis qu'un déclencheur j'espère que vous
avez repris du plaisir à écrire et que vous continuerez. »
« Je referai
sûrement quelques exercice avec mes petits-enfants » assure
une autre.
Et une autre de renchérir:
« j'appréhendais un peu, finalement ça m'a plu, je pense que
je continuerai avec plaisir à écrire ».
S'il
vous tarde de connaître le résultat de cet atelier d'écriture,
rendez-vous à la rentrée pour la restitution des textes.